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                                Houria  -  prix SIGNIS 2022 Lumières d'Afrique de Besançon

Houria  -  prix SIGNIS 2022 Lumières d'Afrique de Besançon

(de Mounia Meddour. France/Belgique, 2022, 1h44. Avec Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni. Prix SIGNIS au Festival Lumières d'Afrique de Besançon 2022)      15 mars 2023 (Magali Van Reeth) – A travers les rêves empêchés d'une jeune femme, le film évoque la force de résilience des femmes, ici dans une société algérienne contemporaine sans avenir, mais qui touche toutes celles qui doivent se reconstruire après un traumatisme. Un film porteur d'espérance et de réparation.       Houria (Lyna Khoudri) suit des cours de danse classique dans un petit studio tenu avec fermeté et exigence par sa mère, Sabrina (Rachida Brakni). Cette dernière gagne aussi sa vie avec les danses orientales dans les mariages. Elle vivent modestement mais ont une belle relation, entourées d'amies. Pour offrir une voiture à sa mère, Houria mise sur les combats de boucs, activité clandestine et illégale qui va la mettre physiquement en danger.       A travers ce récit, la réalisatrice Mounia Meddour pointe les dysfonctionnements de la société algérienne : un taux de chômage vertigineux, une jeunesse ayant le sentiment d'être privée d'avenir, une forte tradition patriarcale et toujours un relent des années noires du terrorisme à la fin du 20° siècle. Houria est trop jeune pour avoir connu cette période mais sa vie familiale en est marquée et elle va être confrontée à un ''repenti'' toujours ancré dans la violence.     Si le constat est plutôt désespéré, et n'occulte pas la violence systémique de la société algérienne, la mise en scène ne l'est pas. Sur les terrasses lumineuses où les linges claquent au vent, les femmes trouvent un refuge, un cocon intime, un lieu de complicité et de musique. Face à l'immensité du ciel et au-dessus du brouhaha de la ville, c'est aussi un espace de création. Houria va apprendre à vivre avec ce nouveau corps, ses failles et ses cicatrices.     Mêlant les blessures d'Houria à l'Histoire de son pays, sa perte de parole à celle réprimée des femmes algériennes, la réalisatrice utilise la danse comme colonne vertébrale de son récit. Partant du très classique Lac des cygnes jusqu'à la chorégraphie des femmes en réparation, au bord du ciel et pour les disparues en mer, elle déploie sa mise en scène dans les gestes précis de ses actrices et une bande-son remarquable, au plus près de leur respiration, alternant le Français et l'Arabe, le tintement des bracelets et le souffle du vent dans le bleu des vêtements.     En donnant à Houria la force de se reconstruire, Mounia Meddour donne à la jeunesse actuelle de son pays une chance de se relever. Loin de l'hypocrisie de cette société qui n'autorise pas son précédent film Papicha (2018) a être distribué en salle mais qui le choisit pour représenter l'Algérie aux Oscars américains...     Au Festival Lumières d'Afrique de Besançon 2022, Houria a obtenu le prix SIGNIS avec la motivation suivante : ''L'histoire se passe en Algérie contemporaine, interprété par des actrices talentueuses. Le spectateur suit les différentes composantes de la vie quotidienne du personnage principal. Lorsqu'un drame surgit, le cours de sa vie s’en  trouvera bouleversé. Pour y faire face, elle saura faire preuve de résilience, de combativité, d'altruisme. Le choix d'entourer le personnage principal d'autres visages de femmes blessés a permis au jury de ressentir les sentiments qui ne s’expriment  pas à l'écran, de partager la colère de l'injustice, la pugnacité mais aussi la bienveillance et l'amour maternel et fraternel. Pour les membres du jury ce film résonne comme une belle leçon de vie.''     Les membres du jury international SIGNIS étaient : Corinne Isaac (France), Ekoué Satchivi (Belgique/Togo) et Brigitte Giampiccolo (France).             Magali Van Reeth          
                                Emily

Emily

(de Frances O’ Connor. 2022, Royaume-Uni/Australie, 2h20. Avec Emma Mackey, Olivier Jackson-Cohen, Fionn Whitehead, Alexandra Dowling, Amelia Gething, Adrian Dunbar, Gemma Jones.)    15 mars 2023  (Chantal Laroche Poupard) - Ce premier long-métrage de l’actrice Frances O’Connor est une merveille de biographie qui retrace la vie courte mais créative d’Emily Brontë, célèbre auteure du roman Wuthering Heights ou Les Hauts de Hurlevent, publié en 1847 et considéré comme le dernier grand ouvrage romantique européen.    La famille Brontë, un père veuf autoritaire et ses enfants, mène une vie recluse. Chacun a un caractère bien particulier : la douces Anne est effacée, Branwell le seul fils est artiste et fumeur d’opium ; Charlotte Brontë, pourtant future auteure de Jane Eyre, est jalouse du talent littéraire de sa sœur Emily. Emily, passionnée, tourmentée, révoltée, a un don d’écriture indéniable. Elle écrit poème sur poème, s’isole dans sa chambre, et dans une relation fusionnelle avec son frère Branwell, roule dans les landes du Yorkshire où, écrira-elle, ''on peut courir au vent et crier sa colère sans que personne ne nous voie''.     L’Emily du scénario de Frances O’Connor, contrairement à Emily Brontë libre de l’influence romantique de tout homme, tombe éperdument amoureuse de son professeur particulier William Weightman. Le pasteur Weightman (le séduisant Olivier Jackson-Cohen) est tout d’abord réservé car il est anglican dans ce XIXème siècle puritain. Mais la passion fulgurante des deux jeunes gens devient irrésistible et insaisissable ; elle attise la fureur de l’austère père d’Emily ainsi que la jalousie de son frère Branwell qui partage avec cette sœur préférée tant de choses et surtout, une soif inextinguible de liberté ; mais cette jalousie va barrer la route du bonheur d’Emily. Celle-ci mourra après une vie courte, ourlée de passion et de violence.   Même si le scénario de Frances O’Connor est une fiction, il semble camper à merveille les caractères des membres de la vraie famille d’Emily. Tandis que l’auteure Emily Brontë s’est servi audacieusement d’un récit enchâssé s’inspirant de sa propre vie tout comme de la vie d’une autre, la réalisatrice puise judicieusement dans le roman d’Emily Brontë Les Hauts de Hurlevent des éléments qui permettent à l’Emily du film de se fondre dans la Catherine du roman : tandis que Heathcliff nourrit une passion impossible pour Catherine, William Weightman et Emily s’aiment éperdument d’un amour sans issue.   Cette création cinématographique est habilement agencée, si bien que par un coup de génie de la réalisatrice, l’Emily du film se fond et se confond avec l’auteure du roman Emily Brontë ainsi que son personnage de Catherine. Sentiments passionnés de figures éblouissantes arpentant la campagne anglaise sauvage et majestueuse, sommets de collines balayées par les vents, tout le lyrisme du romantisme est là, soutenu par la musique mélancolique et poignante d'Abel Korzeniowski. Emily, qui par sa détermination et sa connaissance, rend hommage à l’éducation des femmes, est interprétée par l’époustouflante comédienne franco-britannique Emma Mackey. Ayant déjà fait ses preuves dans le film de Kenneth Branagh Mort sur le Nil (2021) et sollicitée récemment pour le rôle de Adrienne dans le film Eiffel de Martin Bourboulon (2021), Emma Mackey vient de recevoir le prix d’interprétation au Festival du film britannique de Dinard 2022 tandis que ce film Emily de Frances O’Connor, actrice devenue réalisatrice de talent, a reçu l'Hitchcock d'or et le prix du public dans ce même festival.     Chantal Laroche Poupard