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(de Michal Vinik. Israël/Ukraine, 2022, 1h16. Avec Leina Fraifeld, Dasha Tvoronovich, Yaakov Zada Daniel, Avraham Shalom Levi. Mostra de Venise 2022, section Orrizonti, Festival international de Mannheim-Heidelberg 2022, prix du jury oecuménique)
30 novembre 2022 (Chantal Laroche Poupard ) - Tout se déroule de façon intense, dans ce second long métrage de Michal Vinik, réalisé comme un huis clos, tandis que les émotions se bousculent, les cultures s’entrechoquent, les intérêts se heurtent. Le film soulève l’importante question des Droits de l’Homme quant à la liberté, vaste sujet que Spinoza développe en rappelant que la conscience fait de l’Humain un être libre et responsable ; elle est la condition de la liberté.
Deux sœurs se retrouvent : Christina est déjà installée dans une vie aisée en Israël avec Michaël suite à un mariage arrangé ; elle semble heureuse ainsi que son mari qui s’est lancé dans un petit business consistant à trouver un mari israélien à des ukrainiennes. Christina souhaitant le même bonheur à sa sœur Valeria, accueille celle-ci qui arrive d’Ukraine pour épouser Eitan, son futur mari, qu’elle n’a vu qu’en vidéo. Lors d’un repas organisé par sa sœur et son beau-frère, elle fait la connaissance de Eitan. Tout d’abord excitée en attendant son futur mari, Valeria semble ensuite intimidée, réservée : elle semble refuser ce mariage arrangé qui ne lui convient pas et, au moment de partir, elle s’enferme dans la salle de bain.
Valeria a pris conscience de son droit à la liberté, de sa liberté de choisir, de choisir librement un homme comme le rappelle l’article 16 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : « Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux ». Sa liberté est plus importante que la vie confortable d’un mariage arrangé doublement compliqué par un problème linguistique et de culture. Refuser ce mariage est aussi pour Valeria un choix courageux d’autant plus que son exigence de liberté aura un prix, celui d’un retour en arrière dans une vie moins confortable.
La réalisatrice observe ses protagonistes avec sagacité et finesse : les deux hommes, le mari Michaël très intéressé par l’argent que lui rapporte ses mariages arrangés et l’ex « futur mari » Eitan, qui est homme honnête et très amoureux.
En ce qui concerne les deux sœurs, Micha Vinik montre clairement dans un premier temps leur attitude et caractère très différents. Christina tout habillée de blanc est avenante, parle beaucoup comme pour masquer un vide. Valeria dans sa robe noire semble intimidée, observe, répond de façon laconique aux questions. Elle parle peu, semble cacher ce qu’elle pense, ce qui provoque une certaine tension qui nous tient en haleine.
Par la suite une certaine connivence s’installe entre les deux sœurs ce qui laisse à penser que Christina prend elle aussi conscience de quelque chose de plus grand que le confort de son mariage arrangé. La fin du film reste ouverte, on ne sait pas ce que fera Christina après avoir raccompagné à l’aéroport sa sœur Valeria qui repart en Ukraine.
Ce film incite à une réflexion éthique sur la liberté, la dignité humaine. Il est essentiel pour toutes les femmes qui subissent le mariage arrangé et également le mariage forcé.Dans un scénario concentré, efficace et brillamment construit comme un drame, un brin d’humour est pourtant perceptible. Michal Vinik observe ses protagonistes avec une certaine tendresse, que ce soient les deux hommes bien différents ou ces deux sœurs solidaires et unies en quête d’émancipation entre deux pays, Israël et l’Ukraine.
Lors de la 71° édition du Festival international du film de Mannheim-Heidelberg où le film de Michal Vinik était en compétition, il a obtenu le prix du jury œcuménique, avec le commentaire suivant : ''Tout se déroule comme dans un tourbillon dans ce film brillamment construit et écrit comme un drame où un brin d’humour est pourtant par moment perceptible. Le film est réalisé tel un huis clos, où les émotions se bousculent, les cultures s’entrechoquent, les intérêts se heurtent. La liberté est-elle plus importante que la vie confortable d’un mariage arrangé ? La réalisatrice observe ses protagonistes avec sagacité et tendresse, notamment les deux sœurs solidaires et unies en quête d’émancipation entre deux pays, à savoir Israël et l’Ukraine.''
Les membres du jury étaient : Chantal Laroche-Poupard, présidente (France), Bärbel Mauch (Allemangne) et Peter Muszatics (Hongrie).