(de Ivan Ostrochovský . Slovaquie/Roumanie/Tchéquie/Irlande, 2020, 1h20. Berlinale 2020, section Encounters. Avec Samuel Skyva, Samuel Polakovic, Vlad Ivanov, Vladimir Strnisko.)

 

 

2 juin 2021 (Magali Van Reeth) – Utilisant la dramaturgie d'une image en noir et blanc, dans un format resserré, ce film est une immersion radicale dans les dernières heures de la Tchécoslovaquie communiste, où le quotidien d'un séminaire catholique fait écho aux courants de résistance qui traversent le pays.

 

 

Michal et Juraj sont deux très jeunes gens, amis depuis longtemps, qu'on découvre à leur arrivée dans un grand séminaire catholique. C'est un bâtiment ancien, à la fois grandiose et décrépi, donnant l'impression d'alterner entre le sublime et le trivial. L'action se déroule en 1980 et ici les soutanes sont de rigueur. Peu à peu, Michal et Juraj vont nouer d'autres relations avec leurs condisciples, s'ouvrir à des idées nouvelles. Leur amitié d'enfance va être bouleversée par la distance, l'incompréhension, la jalousie et la trahison. Mais dans le contexte politique de l'époque, où le gouvernement veut contrôler l'église catholique, il n'y a plus de petite trahison.

 

 

Filmé en noir et blanc, dans un format resserré pour accentuer le sentiment d'oppression, la mise en scène tient à distance toute violence physique et tout explication verbale. On avance, comme à pas feutré, dans ce récit où de très jeunes gens font l'expérience de la violence du monde à l'heure où il faut faire, seul, des choix d'adultes. Utilisant la dramaturgie de bâtiments anciens et monumentaux, dont les formes évoquent tour à tour l'élévation ou l'enfermement, le réalisateur lance ces jeunes séminaristes en soutane dans une chorégraphie, où ils vacillent, sans cesse en danger, jusqu'au drame. La distorsion de la vérité par un état communiste à bout de souffle mais déterminé à contrôler jusqu'à l'âme de ses citoyens, gangrène même ceux chargés de cette mise en œuvre déstabilisante.

 

Le contexte historique peut être difficile à saisir pour les non-spécialistes mais les incertitudes, les choix et les trahisons des protagonistes sont très claires. Bien qu'ancré dans le contexte très particulier de la Tchécoslovaquie à la veille de la chute du mur de Berlin, le film a des retentissements contemporains et universels. Il met en scène la difficulté de faire des choix quand la manipulation d'état a contaminé sournoisement toute une génération. Certains, comme beaucoup d'autres avant eux, ont risqué leur vie pour affirmer des idées. Et dans le contexte de la formation des prêtres catholiques, on voit aussi que la foi n'est pas toujours d'un secours suffisant contre la peur ou le désarroi...

 

En 2015, au Festival de Mar del Plata (Argentine), le réalisateur slovaque Ivan Ostrochovský avait reçu le prix SIGNIS pour son film Koza.

 

 

Magali Van Reeth

SIGNIS