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(d'Isaki Lacuesta. Espagne/France, 2021, 2h10. Avec Nahuel Perez Biscayart et Noémie Merlant. Prix œcuménique Berlinale 2022)
3 mai 2023 (Magali Van Reeth) – S'inspirant d'un récit de survivants d'une attaque terroriste, la mise en scène montre astucieusement le processus émotionnel qui accompagne ceux qui ont réchappé à l'horreur. Un film qui célèbre les vivants.
Le roman de Ramon González raconte l'histoire d'un couple de jeunes gens, rescapé des attaques terroristes qui, en novembre 2015 à Paris, ont fait des centaines de victimes aux terrasses des cafés et dans la salle de concert du Bataclan. Le film s'en inspire et s'ouvre sur des particules de lumière flottant dans la nuit, joli kaléidoscope dont on retrouve bientôt l'or dans les couvertures de survie distribuées aux rescapés dans la nuit du drame.
Céline et Ramon, un jeune couple franco-espagnol, tâche de trouver le sommeil après cette première nuit terrible. Chacun réagit comme il peut. Ramon a des crises d'angoisse, n'ose pas sortir dans la rue, n'arrive plus à travailler. Céline s'enfonce tête baissée dans sa vie habituelle, évitant de parler de ce qu'elle vient de vivre à ses collègues de travail. Ils revoient quelques amis, échangent avec eux des moments de musique, se moquent de l'absurdité de certains messages de soutien. Parfois, dans une journée ordinaire, un détail les ramène à cette nuit terrible.
Dans ces moments de cauchemar, l'attaque terroriste est plus suggérée qu'imposée. Des scènes brèves et confuses qui suffisent à faire ressentir la peur et la stupéfaction de ceux qui l'ont vécu et s'en souviennent. Le réalisateur s'attache surtout, et d'une façon assez astucieuse à montrer le travail de deuil des protagonistes, tout au long d'une année qui suit cette nuit d'horreur. Le déni, la colère, la résignation, l'envie de voyage, le besoin de retrouver sa famille, ou au contraire, de s'éloigner de certains proches.
Un an, une nuit est un film bouleversant. Porté par deux comédiens très justes et qui forment un joli couple, Noémie Merlant, solaire et téméraire, Nahuel Perez Biscayart, toujours angoissé, au bord de la rupture, il réveille en chacun de nous l'ombre de la mort et le souvenir des disparus que nous avons aimés. Il nous touche profondément. Isaki Lacuesta sait trouver un ton juste, et ce qu'il faut d'humour, et renversement, pour permettre à ses personnages d'entrer en résilience.
A la 72° édition de la Berlinale, a reçu le prix du jury œcuménique, avec la motivation suivante :
Dans une belle adéquation entre la représentation d'un parcours de vie et une forme artistique exceptionnelle dans toutes les dimensions du langage cinématographique et du jeu des acteurs, le film montre le long processus de deuil vécu par un jeune couple, Céline et Ramon, après l'attaque du Bataclan. Le combat du personnage principal dans l'ombre de la Mort ("Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants", Marc 12,27) est si intime et intense qu'il faut de longs mois avant d'en accepter la réalité. Dès le début, la Violence ne répond pas la Haine mais l'Amour (Matthieu 5,44f). Après des mois de solitude, des relations pleines de vie sont à nouveau possibles.
Les membres du jury œcuménique étaient : Timea Kókai-Nagy (Hongrie), Magali Van Reeth (France) et Hans-Martin Gutmann (Allemagne).
Magali Van Reeth