(de Christian Petzold. Allemagne, 2022, 1h42. Avec Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel, Enno Trebs, Matthias Brandt. Ours d'argent Berlinale 2023)

 

 

6 septembre 2023 (Anne Le Cor) - Il est des films dont on peut reconnaître la marque du réalisateur presqu’à coup sûr. C’est le cas pour Christian Petzold qui appartient à l’École de Berlin, un mouvement du nouveau cinéma d’auteur outre Rhin, sorte de « nouvelle vague » allemande. Son dernier film, Le Ciel rouge, en compétition à la Berlinale, nous emmène au bord de la mer Baltique, pour des vacances d’été riches d’évolution et flamboyantes d’émotion.

 

Leon est un jeune écrivain en mal d’inspiration. Il décide d’accompagner son ami Felix dans sa maison de vacances avec l’idée de passer un été studieux. Car ce n’est pas la plage qui l’intéresse mais bien le calme et la quiétude du lieu qui, espère-t-il, sauront l’inspirer. Mais voilà que la petite maison n’est pas complètement vide. Elle abrite Nadja, une étudiante tout à fait inattendue. Au fil du développement des rencontres, Leon se voit contraint d’évoluer, contre son gré dans un premier temps mais pour le meilleur au bout du compte.

 

 

Le film offre différents niveaux de lecture et ne manque pas d’ironie en proposant comme principal protagoniste un écrivain en panne d’écriture. C’est l’acteur autrichien Thomas Schubert qui prête ses traits à Leon. Ce personnage cynique, égocentrique et dénué d’empathie cache en réalité un jeune homme insécure et mal à l’aise avec son corps. Il souffre d’inaptitude sociale et se mue en loser magnifique enveloppé dans sa frustration face à la page blanche. Son égo le rend aveugle au monde qui l’entoure, ce qui est un comble pour un auteur supposé décrire la vie des gens et être sensible à son environnement. Il manque même de passer à côté de l’essentiel.

 

Mais Nadja va le forcer à changer. C’est une jeune femme intellectuelle et bien dans sa peau. Sa fantaisie va bousculer Leon et le séduire. Elle est incarnée par l’actrice allemande Paula Beer, qui semble être devenue la nouvelle égérie de Christian Petzold. Autour des deux protagonistes, leurs amis Felix et Devid, interprétés respectivement par Langston Uibel et Enno Trebs, complètent la petite communauté. Leur été au bord de la mer forme comme un huis-clos amical que seule la visite de l’éditeur de Leon vient perturber.

 

 

Pas autant cependant que l’immense feu qui ravage la forêt. Ces incendies sont choses assez courantes, parait-il, sur les îles de la Baltique en été. C’est toute l’atmosphère qui change au fur et à mesure que les flammes avancent jusqu’à menacer le petit havre de paix des quatre amis. Les images se colorent de rouge incandescent et symboliquement, le feu représente le danger et constitue l’outil cathartique qui enflamme les sentiments de Nadja et Leon. La fin heureuse et souriante semble enfin inspirer ce dernier qui fait de son été son nouveau roman.

 

Le film parait léger de prime abord mais la romance du début suit une progression dramatique subtile tout au long du récit et est agrémentée de dialogues savoureux. Avec un scénario bien léché, une narration simple et efficace, des performances d’acteurs de grande qualité et de vrais moments de transcendance, Le Ciel rouge s’avère bien plus qu’une petite chronique estivale branchée. Le film a d’ailleurs été récompensé du Grand Prix du jury à la Berlinale 2023. 

 

Anne Le Cor