(de Philippe Garrel. France/Suisse, 2022, 1h35. Avec Aurélien Recoing, Esther Garrel, Léna Garrel, Louis Garrel. Ours d'argent Berlinale 2023)

 

 

13 septembre 2023 (Anne Le Cor) - Le dernier film de Philippe Garrel est une histoire de famille, devant et derrière la caméra comme sur grand écran. Le Grand chariot est le vingt-huitième long-métrage du cinéaste français dont la renommée n’est plus à faire et qui a reçu l’Ours d’argent de la meilleure mise-en-scène à la dernière Berlinale. Le film est très français. Il y est question de marionnettes et de tradition mais aussi de famille et de transmission.

 

 

Dans cette famille, on est marionnettistes de père en fils et filles. Le théâtre s’appelleLe Grand chariot en référence à une constellation d’étoiles. Louis, Léna et Martha suivent les pas de leur père. Même la grand-mère, qui fabrique les marionnettes, fait partie de la compagnie qui constitue comme une dynastie d’artistes. Quelques amis fidèles gravitent autour d’eux, qui offrent leur aide et leur amitié sans failles. Mais lorsque le père disparait subitement, la question se pose de l’avenir du théâtre.

 

 

La fratrie du film est interprétée par une fratrie dans la vraie vie. Ce sont les enfants du réalisateur, Louis, Léna et Esther qui interprètent les trois personnages principaux. Cela donne du corps et de la substance à la narration qui intègre cette complicité à la fois naturelle et sans complaisance. L’illusion est parfaite car même les prénoms sont en résonnance. Mais ce que le père a su transmettre lui survivra-t-il ? La structure nucléaire de la famille finit par éclater et chacun va son chemin, sans rompre le lien.

 

Le père est campé par Aurélien Recoing. Avec Philippe Garrel ils ont en commun d’être des enfants de marionnettistes. Leurs pères se sont connus par l’intermédiaire du théâtre. Tous deux savent donc ce dont il est question en matière de transmission. Le film porte ainsi une empreinte très personnelle pour le réalisateur et ses acteurs. Dans Le Grand chariot, malgré les aléas, le théâtre demeure par la volonté de Louis qui ne voit pas d’autre carrière à suivre. 

 

 

En posant sa caméra au cœur d’un théâtre de marionnettes, le cinéaste veut mettre en avant ces artistes qui font vivre une tradition bien française. Le film a presqu’une valeur de documentaire tant il est réaliste sur la vie difficile et le véritable sacerdoce de ces artistes pauvres qui doivent se battre au jour le jour pour que vive leur théâtre. Philippe Garrel créé ainsi comme un néo-réalisme à la française. La composition de la bande-son a été confiée au chanteur Jean-Louis Aubert.

 

Le cinéaste assume cette nostalgie du temps de son enfance et affirme « voir dans la désintégration d’une compagnie d’artistes marionnettistes celle d’une métaphore d’un monde où meurent les traditions ». Pourtant, la relève est bien là en ce qui le concerne. Ses trois enfants, comédiens, tiennent haut le flambeau des artistes de théâtre et de cinéma, à la ville comme à l’écran.

 

 

Anne Le Cor