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(d'Iciar Bollain. Espagne, 2021, 1h56. Avec Blanca Portillo, Luis Tosar. Sélection officielle San Sebastian 2021, prix SIGNIS)
14 novembre 2022 (Pascale Cougard) – Par le récit sensible et sobre de l’histoire vraie de Maixabel Lasa, l’une des onze personnes qui ont accepté de parler avec les ex-membres de l’ETA et celle qui a rencontré l’assassin de son mari, la réalisatrice espagnole met en scène l’immense exercice d’humanité que victimes et bourreaux amenés à faire, pour s’ériger contre la violence.
L’histoire évoque le terrorisme basque espagnol, de 2000 à 2011. Mais bien ailleurs de semblables actions de repentance sont organisées. Par Nelson Mandela le premier en Afrique du Sud, au Rwanda, en Colombie. Le film a été très bien reçu en Espagne par toutes les tendances politiques et au pays Basque, y compris par la gauche radicale basque. Il a été puissamment cathartique au pays Basque, tout le monde étant en larmes dans les salles et chantant en chœur la vieille chanson populaire de la fin, que tout le monde connaît et qui parle d’un hommage à un ami berger disparu - même en France, on a entendu pleurs et chant lors des projections.
Tout au long du film, en contrepoint de la violence qui, habilement n’est montrée que dans la douleur des familles ou dans les obsessions des terroristes emprisonnés ou revenant sur les lieux des attentats, la vision des montagnes où se dresse la tombe et dont les tonalités de bleu, de gris et de brun apaisent le cœur. Admirable double temps de rencontre, en des champs contre champs qui distribuent sobrement leur justice, sous le regard discret de la médiatrice, entre Maixabel (magnifique Blanca Portillo) et, en un rythme qui va crescendo, deux terroristes purgeant leur peine en prison, après avoir rompu leurs liens avec l’ETA : Luis, puis Ibon Etsezarreta (fascinant Luis Tosar) dont le long parcours conflictuel porte la marque brûlante de la violence mensongère et criminelle de tant d’actions terroristes. Ces visages empreints d’émotion retenue et de dignité se regardent en face, questionnent, répondent, écoutent, expliquent, en un bouleversant moment de nudité et d’humanité.
Quel beau moment de cinéma qui permet de contempler ce temps de repentance sur un grand écran où se projettent nos âmes, dans la nuit discrète et fraternelle d’une salle proche où luit le blanc de la vie qui renaît dans le bouquet d’œillets rouges du passé.
Maixabel d'Iciar Bollain a reçu le prix du jury SIGNIS : pour offrir un message universel d'espoir et de réconciliation, à travers une histoire vécue qui peut émouvoir et inspirer toutes les communautés exposées aux pires tensions. Les personnages nous disent que la haine et la vengeance ne doivent pas avoir le dernier mot.
Les membres internationaux du jury SIGNIS 2021 étaient Agnès Ravoyard, Edorta Kortadi et Carlos Aguilera Albesa.
Pascale Cougard