16 août 2023 (Anne Le Cor) - Un nouvel Almodóvar est toujours un événement et L’expérience Almodóvar ne déroge pas à la règle même s’il ne manquera pas d’interroger les puristes. En effet, il s’agit là de deux courts-métrages d’une demi-heure environ qui tels le ying et le yang paraissent totalement opposés mais sont au final assez complémentaires. 

 

Stange ways of life

 

Le réalisateur espagnol s’attaque au western. On y retrouve les codes du genre : le shérif, le cow-boy, le ranch et les pistolets qu’on dégaine à la moindre embrouille. Mais le respect de la tradition s’arrête là. Le scénario nous emmène vers une sorte de Brokeback Mountain revisité.

 

Après 25 ans, Silva traverse le désert pour retrouver son ami le shérif Jake. Leur histoire d’amour repart de plus belle, comme au temps où ils étaient de jeunes tueurs à gage. Mais Silva ne vient pas que pour la bagatelle, il a quelque chose à demander à son ancien amant.

 

Le début du film parait un peu artificiel et les acteurs peu à l’aise avec les dialogues. Il faut dire qu’Ethan Hawke dans le rôle de Jake et Pedro Pascal dans celui de Silva sont plutôt étonnants voire détonants au cœur de cette histoire d’amour masculine qui prend corps au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue. Le reste du casting, espagnol, joue les faire-valoir des deux stars américaines qui finissent par se prendre au jeu.

 

La fin du film vient boucler la boucle d’un récit finalement bien ficelé. Et l’on se demande si tout cela est bien sérieux ou si le réalisateur ne s’est pas fendu d’une farce dont lui seul a le secret.

 

La voix humaine

 

 

Voilà bien l’histoire d’une femme en pleine crise de nerfs. Une actrice entre deux âges est abandonnée par son compagnon et se retrouve seule dans leur maison face à des valises immobiles, seule présence avérée d’un homme qui est l’éternel absent et ne se matérialise jamais. Même lorsqu’il l’appelle au téléphone pour lui annoncer la rupture sa voix reste inaudible.

 

Le film est une adaptation libre de la pièce éponyme de Jean Cocteau. Il est porté de bout en bout par la prestation époustouflante de l’actrice anglaise Tilda Swinton. Seule en scène dans un décor de studio de cinéma, elle assène avec brio son monologue, mélange de folie et de nostalgie.

 

Le film se finit là encore par une pirouette, bien plus positive et décalée qu’attendu. Ce n’est qu’un des traits communs aux deux courts-métrages, par ailleurs fort différents, l’un essentiellement masculin et l’autre entièrement féminin. Les deux traitent cependant de thèmes récurrents chez Almodóvar, à savoir les relations amoureuses, le masculin/féminin et des personnages à la sexualité affirmée. 

 

Pedro Almodóvar semble s’être fait plaisir avec ses deux petits films qui en disent beaucoup sur lui. Contrairement à son habitude, il a tourné en anglais, ce qui met en avant sa dimension internationale. L’esthétique est toujours soignée, avec des plans léchés et des décors aux teintes verte et rouge. Les costumes aussi sont recherchés et de grande qualité. Un certain sens de l’humour et du décalage n’est jamais très loin avec des cow-boys habillés par la Maison Saint Laurent qui a financé le western. Les animaux sont aussi largement mis en valeur dans toute leur beauté et leur sensibilité, comme le pas cadencé du trot des chevaux qui berce le regard d’une douceur endiablée. 

 

 

Anne Le Cor