(de Pham Tiên An. Vietnam/France/Espagne/Singapour, 2023, 2h58. Avec Le Phong Vu, Nguyen Thi Truc Quynh, Nguyen Thinh, Vu Ngoc Manh. Festival de Cannes 2023, Caméra d'or)

 

 

20 septembre 2023 (Diane Falque) - Le réalisateur Pham Thiên An nous livre ici un premier long métrage impressionnant, d’une densité et d’une grande profondeur : une invitation à un itinéraire spirituel. 

 

Le film s’ouvre sur la vie agitée de Saigon, ses boutiques, ses vendeurs ambulants, ses salons de massage et sa circulation incessante. A une terrasse de café, Thiên est en grande discussion avec deux amis sur le sens de la vie. Lorsque l’accident de scooter a lieu à proximité, provoquant la mort de sa belle-sœur, sa vie bascule d’un coup ! 

 

 

Nous quittons alors les bruits et l’agitation de la ville pour nous plonger dans les régions intérieures du Vietnam. En effet, Thiên va devoir prendre en charge son neveu Dao – lumineux petit garçon de 5 ans - et le rapatriement du corps de sa belle-sœur. Il repart avec l’enfant vers sa région d’origine à la recherche de son frère qu’il n’a pas vu depuis longtemps.

 

Ce film est avant tout une invitation au voyage : un road movie à travers les villes et villages de l’intérieur du Vietnam. Les paysages sont grandioses, sublimés par de très longs plans séquences qui nous invitent à la lenteur, à la patience, à la douceur, à la limite de la lévitation, à l’admiration pour cette nature luxuriante, qui a tant besoin de cette eau que la mousson lui offre. En même temps que Thiênqui redécouvre la beauté de ces régions, tous nos sens sont en éveil : nous observons les brumes du matin, la rosée sur les feuilles, le reflet des rayons de soleil, les ruines d’un temple, le chant des oiseaux. Nous suivons Thiên et son neveu pas à pas, et les minutes s’égrènent ainsi, de village en village, de seuil en seuil, de rencontre en rencontre. La présence du petit garçon est source de vie, de joie et de responsabilité. Chacune des rencontres prend un éclairage nouveau. Lorsque la moto tombe en panne, nous suivons leurs efforts le long de la route de montagne. C’est une plongée dans le cœur de ce pays que le réalisateur aime tant. 

 

 

Le réalisateur explique dans une interview que le parti pris de filmer avec une si grande lenteur, à la limite du documentaire, vise à nous placer dans une démarche spirituelle de contemplation. Lui-même a grandi dans une communauté catholique et voudrait retrouver la Foi. Il y a beaucoup d’autobiographie dans son film ; il a d’ailleurs prêté son prénom à son personnage. Ainsi, lorsque Dao demande à son oncle ''Qu’est-ce que la Foi ?'' il lui répond : ''La Foi, c’est ce que je cherche.''

 

Et en effet, le film est également une invitation au voyage intérieur. Avec ce décès, le personnage principal Thiên se retrouve non seulement à devoir remplir des obligations familiales mais à devoir soutenir son neveu dans l’épreuve du deuil. Dans leur itinéraire, ensemble ils vont prendre des temps de recueillement, avoir de magnifiques échanges sur le paradis, sur l’espérance, sur la foi. Thien va devoir lui parler de la vie et de la mort qui en fait partie. L’emmener dans un imaginaire, à l’image de la cloche en citant la célèbre réplique ''à chaque fois qu’une cloche sonne, un ange obtient ses ailes'' de La Vie est belle de Frank Capra (1946) ; à l’image de l’oiseau qu’il tient dans sa main ou des tours de magie. Dans des plans séquences très longs, entre deux silences, il lui parle d’une foi qui donne sens à la vie. 

 

Enfin ce voyage est l’occasion pour Thiên de se replonger dans ses racines, de ne pas oublier d’où il vient. Il n’était pas revenu depuis longtemps, il avait perdu de vue son frère. Au travers de cette quête infinie, le réalisateur subtilement entremêle rêves et réalité… au point de troubler la perception du temps. La rencontre avec sa nouvelle belle-sœur qu’il retrouve enfin et le nouveau-né qu’il prend avec attendrissement dans ses bras : l’a-t-il rêvé ? Et de même son rendez-vous avec son premier amour qu’il retrouve dans les ruines du temple : l’a-t-il imaginé ? Au gré des étapes et des rencontres, des paroles échangées, il revisite son passé. Au seuil de la maison, il y trouve la sagesse dans la bouche d’une très vieille femme au regard perçant. Qu’est-ce que la souffrance comparée à l’éternité ? 

 

 

Ce film nous offre les paysages panoramiques grandioses dans ces contrées retirées du Vietnam qui continuent de nous habiter et surtout une belle leçon de vie. Au Festival de Cannes 2023 où L'Arbre aux papillons d'or était présenté dans la sélection Quinzaine des réalisateurs, il a reçu le prix de la Caméra d’Or décerné à un premier long-métrage. 

 

 

Diane Falque