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(de Virginie Sauveur. France, 2023, 1h37. Avec Karine Viard, François Berléand.)
21 juin 2023 – (Chantal Laroche Poupard) - La réalisatrice Virginie Sauveur offre là un premier long métrage audacieux, mais également subtil et pudique dans lequel elle cherche à comprendre deux femmes qui se sont vues obligées de cacher leur secret respectif à l’église catholique.
La réalisatrice présente en personne lors de la projection de son film Magnificat, dit avoir la foi dans une transcendance, mais ne se sent pas impliquée dans l’église catholique, ce qui lui permet sans doute une certaine distanciation par rapport au problème soulevé dans le film.
Virginie Sauveur s’inspire du roman Des femmes en noir d'Anne-Isabelle Lacassagne et de l’expérience de cette dernière ''acquise comme membre d’un service diocésain qui lui donne une certaine crédibilité dans sa description juste et précise de l'univers ecclésial''. Mais alors que la romancière interroge avec humour et tendresse la vocation féminine dans l’Eglise d’aujourd’hui, Virginie Sauveur qui ne conserve que l’humour, s’écarte du roman dans un ton plus critique, plus virulent. Elle dit avoir souhaité réaliser un film où elle met en place l’histoire de ces femmes en souffrance : la première qui se cache sous l’habit d’un prêtre a dû se faire passer pour un homme afin d’avoir le droit d’être ordonnée et répondre à sa vocation. Or ce prêtre qui a été aimé et apprécié de tous, vient de mourir : ''Il s’est penché sur son humble servante ; désormais, tous les âges me diront bienheureuse'' comme le dit le Magnificat dans l'Evangile selon saint Luc (1, 6-55).
La seconde femme, Charlotte, chancelière du diocèse chargée des archives, est stupéfaite en découvrant que ce prêtre était en réalité une femme ; avec son supérieur, Monseigneur Mevel, elle s’interroge sur les raisons de ce subterfuge tandis que l’auxiliaire ecclésiastique propose d’étouffer l’affaire : ''l’ombre est le plus beau des refuges''. Mais Charlotte ''humble servante'' au service de la vérité, décide de faire la lumière et d’enquêter sur cette étrange affaire, même si cela fait resurgir son passé douloureux qu’elle gardait secret, elle aussi.
Interprétée avec retenue, sensibilité et passion par Karine Viard, Charlotte dérange pourtant celui qui doit protéger l’église, son évêque : François Berléand dans ce rôle est poignant et témoigne d’une grande sensibilité face au terrible cas de conscience relatif à cette affaire.
La sagacité de l'écriture du scénario se caractérise non seulement par le rythme efficace et surprenant du film de Virginie Sauveur mais aussi, tandis que la tension est palpable, par la superbe composition musicale de Nathaniel Mechaly qui envoûte. Les plans du film sont précis, la lumière superbe et l’écriture est toute en suggestions plutôt qu’en descriptions trop crûes et trop précises.
L’atmosphère de mystère, de secret et de suspense en font en film où cohabitent comédie dramatique et thriller d’investigation. Le scénario subtilement agencé permet de soulever avec perspicacité le thème sérieux de l'exclusion des femmes à l'ordination dans l’Église catholique romaine, alors que d'autres églises chrétiennes (Églises luthériennes, réformées, Églises de la Communion anglicane et Églises évangéliques, notamment baptistes et méthodistes) accordent aujourd’hui sans réserve la consécration et l’ordination aux femmes : « Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni libre ; il n’y a plus ni masculin ni féminin ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ ». (Gal 3,27-28).
Chantal Laroche Poupard