(de Ramata-Toulaye Sy. France/Sénégal. 2023, 1h27. Avec Khady Mane, Mamadou Diallo. Festival de Cannes 2023, compétition officielle)

 

30 août 2023 (Anne Le Cor) - De la Terre et des Hommes, voilà ce dont il est question dans le film Banel et Adama. Situé au Sénégal, il nous présente un jeune couple de bergers heureux et amoureux. Entre tradition et modernité - la communauté et l’individu - une société qui se veut immuable fait face aux changements. Il y a ceux qui font rêver sa jeunesse et ceux que lui impose le climat.

 

Banel et Adama, Adama et Banel ; les deux amoureux écrivent leurs noms à foison et ne peuvent pas se passer l’un de l’autre. Symbole de cet amour pur et dur comme le roc, les deux tours englouties qu’ils font émerger du sable de l’oubli, telles deux sentinelles qui résistent à tous les affronts. Pourtant leur bonheur n’est pas sans nuages. Au cœur du village africain où ils résident, deux volontés s’affrontent : celle de la famille et de la tradition, et la leur, éprise d’indépendance et de liberté.

 

 

Les deux personnages principaux sont très forts. Banel se veut une femme libre de ses choix. Elle souhaite vivre seule avec son mari à l’extérieur du village. Et surtout, elle n’a pas de désir d’enfant, ce qui est incompréhensible aux vieilles femmes de la famille. C’est la superbe actrice sénégalaise Khady Mane qui lui prête ses traits d’une pureté et d’une beauté absolues. Elle y brosse le portrait d’une femme qui veut être elle-même et porte ainsi un message universel.

 

Adama est campé par Mamadou Diallo. C’est un jeune homme tranquille qui semble concilier tradition et modernité. Il conte l’histoire de son ancêtre à sa jeune épouse mais renonce à devenir chef du village, au grand désespoir de sa mère. Banel et Adama veulent leur maison, leur troupeau et se désirent l’un pour l’autre. Cette quête d’un certain individualisme tranche avec la vie africaine plus collective où le groupe prime sur l’individu.

 

Il faut peut-être y voir la dualité qui existe au cœur de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata Toulaye-Sy, prise entre deux cultures et deux continents, l’un plus moderne et individualiste et l’autre plus traditionnel et communautaire. Banel et Adama est son tout premier film, en compétition officielle au Festival de Cannes.

 

Le rythme lent, typique du cinéma africain, sied à l’histoire et à la photographie qui est sublime. Les gros plans sur les mains et les visages subliment le sentiment amoureux entre les deux protagonistes. L’Afrique se décline dans des camaïeux de jaunes, d’ocres ou de bleus. Les images sont d’une beauté esthétique recherchée où sentiments et environnement se mêlent.

 

 

Les dangers climatiques sont une menace bien présente qui vient perturber la vie paisible du village aux portes du désert. La sécheresse est déjà là qui tue les vaches du troupeau. Quand la pluie arrive, c’est une tempête violente qui déboule et le sable porté par des vents violents engloutit les maisons.

 

La fragilité de ce qui est beau en ce monde, l’amour et la nature, fait écho aux éléments qui se déchaînent contre Banel et Adama. L’Apocalypse final, qui crève l’écran par son aspect grandiose, est flamboyant de couleurs et de fureur. Le dernier plan sur le doux visage effrayé de Banel face à la tempête est de toute beauté et reflète comme une fin du monde redoutée.

 

 

 

Anne Le Cor